L’acte psychanalytique - compte rendu – L’acte psychanalytique, ni vu ni connu hors de nous, c’est-à-dire jamais repéré, mis en question bien moins encore, voilà que nous le supposons du moment électif où le psychanalysant passe au psychanalyste. C’est là le recours au plus communément admis du nécessaire à ce passage, toute autre condition restante contingente auprès. Isolé ainsi de ce moment d’installation, l’acte est à portée de chaque entrée dans une psychanalyse. Disons d’abord : l’acte (tout court) a lieu d’un dire, et dont il change le sujet. Ce n’est acte, de marcher qu’à ce que ça dise pas seulement « ça marche », ou même « marchons », mais que ça fasse que « j’y arrive » se vérifie en lui. L’acte psychanalytique semble propre à se réverbérer de plus de lumière sur l’acte, de ce qu’il soit acte à se reproduire du faire même qu’il commande. Par là remet-il à l’en-soi d’une consistance logique, de décider si le relais peut être pris d’un acte tel qu’il destitue en sa fin le sujet même qui l’instaure. Dès ce pas s’aperçoit que c’est le sujet ici dont il faut dire s’il est savoir. Le psychanalysant, au terme de la tâche à lui assignée, sait-il « mieux que personne » la destitution subjective où elle a réduit celui-là même qui la lui a commandé ? Soit : cet en-soi de l’objet a qui, à ce terme, s’évacue du même mouvement dont choit le psychanalysant pour se qu’il ait dans cet objet, vérifié la cause du désir. Il y a là savoir acquis, mais à qui ? À qui paie-t-il le prix de la vérité dont à la limite le sujet traité serait l’incurable ? Est-ce de cette limite qu’un sujet se conçoit qui s’offre à reproduire ce dont il a été délivré ? Et quand ceci même le soumet à se faire la production d’une tâche qu’il ne promet qu’à supposer le leurre même qui pour lui n’est plus tenable ? Car c’est à partir de la structure de fiction dont s’énonce la vérité, que de son être même il va faire étoffe à la production… d’un irréel. La destitution subjective n’est pas moindre à interdire cette passe de ce qu’elle doive, comme la mer, être toujours recommencée. On soupçonne pourtant que l’écart ici révélé de l’acte à la dignité de son propos, n’est à prendre qu’à nous instruire sur ce qui en fait le scandale : soit la faille aperçue du sujet supposé savoir. Toute une endoctrination, psychanalytique de titre, peut ignorer encore qu’elle néglige là le point dont toute stratégie vacille de n’être pas encore au jour de l’acte analytique. Qu’il y ait de l’inconscient veut dire qu’il y a du savoir sans sujet. L’idée de l’instinct écrase la découverte : mais elle survit de ce que ce savoir ne s’avère jamais que d’être lisible. La ligne de la résistance tient sur cet ouvrage aussi démesurément avancé que peut l’être une phobie. C’est dire qu’il est désespéré de faire entendre qu’on a rien entendu de l’inconscient, si l’on n’est pas allé plus loin. C’est à savoir que ce qu’il introduit de division dans le sujet de ce qu’un savoir qui tient au reste, ne le détermine pas, suppose, rien qu’à ce qu’on l’énonce ainsi, un Autre, qui, lui, le sait d’avant qu’on ne s’en soit aperçu. On sait que même Descartes se sert de cet Autre pour garantir au moins la vérité de son départ scientifique. C’est là par quoi toutes les -logies, philosophiques, onto-, théo-, cosmo-, comme psycho-, contredisent l’inconscient. Mais comme l’inconscient ne s’entend qu’à être écrasé d’une des notions les plus bâtardes de la psychologie traditionnelle, on ne prend même pas garde que l’énoncer rend impossible cette supposition de l’Autre. Mais il suffit qu’elle ne soit pas dénoncée, pour que l’inconscient soit comme non avenu. D’où l’on voit que les pires peuvent faire leur mot d’ordre du « retour à la psychologie générale ». Pour dénouer ceci, il faut qu’une structure de l’Autre s’énonce qui n’en permette pas le survol. D’où cette formule : qu’il n’y a pas d’Autre de l’Autre, ou notre affirmation qu’il n’y a pas de métalangage. Confirmons cette dernière du fait que ce qu’on appelle métalangage dans les mathématiques n’est rien que le discours dont un langage veut s’exclure, c’est-à-dire s’efforce au réel. La logique mathématique n’est pas, comme on ne peut nous l’imputer que de mauvaise foi, une occasion de rajeunir un sujet de notre cru. C’est du dehors qu’elle atteste un Autre tel que sa structure, et justement d’être logique, ne va pas à se recouvrir elle-même : c’est (S ()) de notre graphe. Qu’un tel Autre s’explore, ne le destine à rien savoir des effets qu’il comporte sur le vivant qu’il véhicule en tant que sujet-à ses effets. Mais si le transfert apparaît se motiver suffisamment de la primarité signifiante du trait unaire, rien n’indique que l’objet a n’a pas une consistance qui se soutienne de logique pure. Il est dès lors à avancer que le psychanalyste dans la psychanalyse n’est pas sujet, et qu’à situer son acte de la topologie idéale de l’objet a, il se déduit que c’est à ne pas penser qu’il opère. Un « je ne pense pas » qui est le droit, suspend de fait le psychanalyste à l’anxiété de savoir où lui donner sa place pour penser pourtant la psychanalyse sans être voué à la manquer. L’humilité de la limite où l’acte s’est présenté à son expérience, lui bouche de la réprobation dont il s’énonce qu’il est manqué, les voies plus sûres qu’elle recèle pour parvenir à ce savoir. Aussi bien sommes-nous partis, pour lui rendre courage, de témoignage que la science peut donner de l’ignorance où elle est de son sujet par l’exemple du départ pavlovien, repris à le faire illustrer l’aphorisme de Lacan : qu’un signifiant est ce qui représente un sujet pour un autre signifiant. Où l’on voit que c’est d’en saisir la rampe quand elle était encore dans le noir, que l’expérimentateur s’est fait espoir à bon marché d’avoir mis le chapeau dans le lapin. Cette ingéniosité de lapsus suffit pourtant à rendre compte d’une assez ample adéquation des énoncés pavloviens, où l’égarement de qui ne pense qu’aux berges où faire rentrer la crise psychanalytique, trouve un bon alibi universitaire. Est donc encore bien naïf celui qui prend écho de tout cet apologue pour rectifier que le sujet de la science n’est jamais où on le pense, puisque c’est là précisément notre ironie… Il reste à trouver appel là où l’affaire a lieu. Et ce ne peut être que dans la structure que le psychanalyste monte en symptôme, quand frappé soudain d’une Grâce inversée, il vient à élever une prière idolâtrique à « son écoute », fétiche en son sein surgi d’une voie hypocondriaque. Il y a une aire de stigmates qu’impose l’habitation du champ par faute se sens repéré de l’acte psychanalytique. Elle s’offre assez péniblement à la pénombre des conciles où la collection qui s’en identifie prend figure d’Église parodique. Il n’est certes pas exclu que s’y articulent des aveux propres au recueil. Telle cette forgerie qui se prononce du : the self, première peut-être de cette surface à sortir de la liste des morphèmes que rend tabous qu’ils soient de Freud. C’est qu’elle a pris son poids, si ce n’est même sa trouvaille, du psychanalyste à rencontrer pour vous imposer le respect de l’empreinte reçue de la passion de la psychanalyse. Nous avons fait vivre l’écrit où il affile au clair du self, comme rendu tangible et s’avérant d’être un effet de compression, l’aveu que sa passion n’a place et vertu qu’à sortir des limites fort bien rappelées comme étant celles de la technique. Elles le serviraient mieux pourtant à s’inscrire dans la charte de l’acte une fois remise à cette page qui ne saurait être tournée que d’un geste changeant le sujet, celui-là même dont le psychanalyste se qualifie en acte. Ce self lancé sera pourtant – le thème prolifère, et dans le sens de l’auspice dont il est né – la perte du psychanalyste, disqualifié par lui. L’élément culte de sa profession est comme en autre cas, le signe d’une inégalité à l’acte. Aussi bien l’acte lui-même ne peut-il fonctionner comme prédicat. Et pour l’imputer au sujet qu’il détermine, convient-il de poser de nouveaux termes toutes l’inventio medii : c’est à quoi peut s’éprouver l’objet a. Que peut-on dire de tout psychanalyste, sinon à rendre évident qu’il n’en est aussi bien aucun ? Si d’autre part rien ne peut faire qu’il existe un psychanalyste, sinon la logique dont l’acte s’articule d’un avant et d’un après, il est clair que les prédicats prennent ici la dominance, à moins qu’ils ne soient liés par un effet de production. Si le psychanalysant fait le psychanalyste, encore n’y a-t-il rien d’ajouté que la facture. Pour qu’elle soit recevable, il faut qu’on nous assure qu’il a du psychanalyste. Et c’est à quoi répond l’objet a. Le psychanalyste se fait de l’objet a. Se fait, à entendre : se fait produire ; de l’objet a : avec de l’objet a. Ces propos frôlent trop l’endroit où paraissent achopper les quantificateurs logiques, pour que nous n’ayons pas fleureté de leur instrument. Nous sentons l’acte psychanalytique céder à rompre la prise dans l’universel à quoi c’est leur mérite de ne pas satisfaire. (Et voilà qui va excuser Aristote d’osciller, plus génialement encore qu’il n’a su isoler l’úpoceímenon, à ne pouvoir faire que d’y récupérer l’oùsía par intervalle.) Car ce que cet acte aperçoit, c’est le noyau qui fait le creux dont se motive l’idée de tout, à la serrer dans la logique des quantificateurs. Dès lors peut-être permet-il de la mieux dénommer d’une désaïfication. Où le psychanalyste trouve compagnie de faire la même opération. Est-ce au niveau du quartier libre offert à cette fin au discours ? Tel est bien en effet l’horizon que trace la technique, mais son artifice repose sur la structure logique à laquelle il est fait confiance à juste titre, car elle ne perd jamais ses droits. L’impossibilité éprouvée du discours pulvérulent est le cheval de Troie par où rentre dans la cité du discours le maître qu’y est le psychotique. Mais là encore comme ne voit-on que le prélèvement corporel est déjà fait dont est à faire du psychanalyste, et que c’est à quoi il faut accorder l’acte psychanalytique. Nous ne pouvions de l’acte dessiner l’abrupt logique qu’à tempérer ce qu’il soulève de passion dans le champ qu’il commande, même s’il ne le fait qu’à s’y soustraire. C’est sans doute faute d’apporter ce tempérament, que Winnicott s’est cru devoir d’y contribuer de son self à lui. Mais aussi d’en recevoir cet objet transitionnel des mains plus distantes de l’enfant, qu’il nous faut bien lui rendre ici, puisque c’est à partir de lui que nous avons d’abord formulé l’objet a. Ramenons donc l’acte psychanalytique à ce que laisse à celui qu’il allège ce qu’il a pour lui mis en route : c’est qu’il lui reste dénoncé que la jouissance, privilégiée de commander le rapport sexuel, s’offre d’un acte interdit, mais que c’est pour masquer que ce rapport ne s’établit que de n’être pas vérifiable à exiger le moyen terme qui se distingue d’y manquer : ce qu’on appelle avoir fait de la castration sujet. Le bénéfice en est clair pour le névrosé puisque c’est là résoudre ce qu’il représentait comme passion. Mais l’important est qu’à quiconque il s’en livre que la jouissance tenue perverse, est bel et bien permise par là, puisque le psychanalyste s’en fait la clef, il est vrai pour la lui retirer aux fins de son opération. Par quoi il n’y a qu’à la lui reprendre pour lui rendre son emploi vrai, qu’il en soit ou non fait usage. Ce solde cynique doit bien marquer le secondaire bénéfice passionnel. Que l’axiologie de la pratique psychanalytique s’avère se réduire au sexuel, ceci ne contribue à la subversion de l’éthique qui tient à l’acte inaugural, qu’à ce que le sexuel se montre de négativités de structure. Plaisir, barrière à la jouissance (mais non l’inverse). Réalité faite du transfert (mais non l’inverse). Et principe de vanité, suprême, à ce que le verbe ne vaille qu’au regard de la mort (regard, à souligner, non mort, qui se dérobe). Dans l’éthique qui s’inaugure de l’acte psychanalytique, moins éthiquette, qu’on nous pardonne, qu’il n’en fut jamais entrevu à ce qu’on soit parti de l’acte, la logique commande, c’est sûr de ce qu’on y retrouve ses paradoxes. À moins, sûr aussi, que des types, des normes s’y rajoutent comme purs remèdes. L’acte psychanalytique, pour y maintenir sa chicane propre, ne saurait y tremper. Car de ses repères s’éclaire que la sublimation n’exclut pas la vérité de jouissance, en quoi les héroïsmes, à mieux s’expliquer, s’ordonnent d’être plus ou moins avertis. Aussi bien l’acte psychanalytique lui-même est-il toujours à la merci de l’acting-out dont nous avons dépeint plus haut sous quelles figures il grimace. Et il importe de relever combien de nature à nous en prévenir est l’approche de Freud elle-même, quand ce n’est pas tellement du mythe qu’il l’a soutenue d’abord, mais du recours à la scène. On en voit aujourd’hui la portée à ce que s’y cramponne l’arriération qui a voulu faire signature de malencontre, à s’aventurer d’exégèse sur l’objet a. Car si l’acte moral s’ordonne de l’acte psychanalytique, c’est pour recevoir son En-Je de ce que l’objet a coordonne d’une expérience de savoir. C’est de lui que prend substance l’insatiable exigence que Freud articule, le premier, dans le Malaise dans la civilisation. Nous relevons d’un autre accent cet insatiable de ce qu’il trouve sa balance dans l’acte psychanalytique. Pourquoi ne pas porter à l’actif de cet acte que nous en ayons introduit le statut même à temps ? Ni reculer, cet à-temps, à le proférer dès six mois, dont non seulement théorique, mais effective au point d’être, en notre École, d’effraction, sa proposition a devancé un déchaînement qui d’accéder à notre entour, nous fait oser le reconnaître pour témoigner d’un rendez-vous. Suffira-t-il de remarquer qu’en l’acte psychanalytique l’objet a n’est censé venir qu’en forme de production pour quoi le moyen, d’être requis par toute exploitation supposée, se supporte ici du savoir dont l’aspect de propriété est proprement ce qui précipite une faille sociale précise ? Irons-nous à interroger si c’est bien l’homme qu’un antiéros réduirait à une seule dimension qui dans l’insurrection de mai se distingue ? Par contre la mise à la masse de l’En-Je par une prise dans le savoir dont ce n’est pas la démesure qui tant écrase, que l’apurement de sa logique qui du sujet fait pur clivage, voilà où se conçoit un changement dans l’amarrage même de l’angoisse dont il faut dire que pour l’avoir doctrinée de n’être pas sans objet, nous avons là aussi de justesse saisi ce qui déjà passe au-delà d’une crête. Voilà-t-il pas assez pour que l’acte exigé dans le champ du savoir, fasse rechute à la passion du signifiant – qu’il y ait quelqu’un ou personne pour faire office de starter. Pas de différence une fois le procès engagé entre le sujet qui se voue à la subversion jusqu’à produire l’incurable où l’acte trouve sa fin propre, et ce qui du symptôme prend effet révolutionnaire, seulement de ne plus marcher à la baguette dite marxiste. Ce qu’on a cru épingler ici de la vertu d’une prise de parole, n’est qu’anticipation suspecte du rendez-vous qu’il y a bien, mais où la parole n’advient que de ce que l’acte était là. Entendons : était là un peu plus, ne fût-elle pas arrivée, était là à l’instant qu’elle arrivait enfin. C’est bien en quoi nous nous tenons pour nous, n’avoir pas manqué à la place que nous confère en ce déduit le drame des psychanalystes d’aujourd’hui, et pour devoir reconnaître que nous en savons un peu plus que ceux qui ridiculement n’ont pas raté cette occasion de s’y montrer en acteurs. Nous la trouvons bien là de toujours cette avance dont c’est assez qu’elle existe pour qu’elle ne soit pas mince, quand nous nous souvenons de l’appréciation, faite par tel, que dans le cas d’où reste provenir tout ce que nous savons de la névrose obsessionnelle, Freud avait été « fait comme un rat ». C’est là en effet ce qu’il suffisait de savoir lire de l’Homme aux rats, pour qu’on se soutînt au regard de l’acte psychanalytique. Mais qui entendra, même parmi ceux-là qui sortant de notre méditation de cet acte, ce qui pourtant s’indique en clair dans ces lignes mêmes, d’où demain viendra à être relayé le psychanalyste, comme aussi bien ce qui dans l’histoire en tînt lieu ? Nous sommes pas peu fier, qu’on le sache, de ce pouvoir d’illecture que nous avons su maintenir inentamé dans nos textes pour parer, ici par exemple, à ce que l’historialisation d’une situation offre d’ouverture, bénie, à ceux qui n’ont de hâte qu’à histrioniser pour leurs aises. Donner trop à comprendre est faire issue à l’évitement, et c’est s’en faire le complice que de la même livraison qui remet chacun à sa déroute, fournir un supplément d’Ailleurs pour qu’il s’empresse de s’y retrouver. Nous fussions-nous si bien gardé à approcher ce qui s’impose d’avoir situé l’acte psychanalytique : d’établir ce qui, lui-même, le détermine de la jouissance et les façons du même coup dont il lui faut s’en préserver ? On en jugera par les miettes qui en sont retombées sur l’année suivante. Là encore nous ne retrouvons pas d’augure nul que la coupure se soit faite pour nous en dispenser. Que l’intérêt reste en deçà, pour ne pas manquer à ce qui prolifère d’ignorer simplement un lemme comme celui-ci, par nous légué, du passage : à l’acte, de ce séminaire, « qu’il n’y a pas de transfert du transfert ». C’est bien pourtant à quoi se bute sans la moindre idée de ce qu’il articule, le rapport d’un prochain congrès (cf. « The non-transference relationship » in I.J.P., 1969, part. I, vol. 50). Si n’était pas irrémédiable de s’être employé dans le commerce du vrai sur le vrai (troisième de manque), ce congrès de Rome eût pu recueillir un peu plus de ce qui, une fois, de la fonction comme du champ que détermine le langage, s’y est proféré en acte. Communiqué le10 juin 1969.
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